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Savoirs et techniques d’anticipation

Prévision et organisation du futur en Europe aux 18e et 19e siècles

Le projet « Profutur » propose d’étudier l’émergence, dans l’Europe des 18e et 19e siècles, de savoirs et de techniques d’anticipation, c’est-à-dire de prévision et de maîtrise du futur. Ces pratiques savantes et techniques oscillent entre un dire ce qui sera et un faire advenir. Elles sont tendues entre, d’une part, un futur qui s’impose à la manière d’un phénomène naturel plus ou moins inéluctable, qu’on doit prévoir pour pouvoir s’y adapter, et d’autre part, un futur qu’on construit, qu’on façonne ou qu’au moins on influence par l’application d’outils qui permettent une certaine maîtrise. Prévoir ou organiser le futur sont deux dimensions souvent indissociables de ces pratiques savantes et techniques d’anticipation. Omniprésentes dans les sociétés contemporaines, elles ont été expérimentées et développées en grande partie aux 18e et 19e siècles, aussi bien dans le monde savant que dans l’univers des ingénieurs, des médecins, des administrateurs, des assureurs, des entrepreneurs.

Les savoirs et techniques d’anticipation n’ont jamais été étudiés en tant que tels, en tant qu’articulation entre une prévision et une organisation du futur. Ils ont été considérés de manière partielle dans plusieurs traditions historiographiques avec chacune leurs objets d’études spécifiques. L’originalité de ce projet est d’approcher ces pratiques savantes de l’anticipation en étudiant ensemble un certain nombre d’objets, qui non seulement restent marginaux dans l’historiographie, mais aussi ont rarement été rapprochés dans le cadre temporel des 18e et 19e siècles : les projets, l’assurance, la bourse, la prospection, le changement climatique, les durées de vie (Le pluriel invitant ici à considérer cette notion de durée de vie dans une acception très large, comme s’appliquant à de multiples contextes, non seulement aux hommes, mais aussi aux choses.)

Ce projet, en croisant des études monographiques sur ces objets, en les approchant de manière transversale, entend montrer en quoi ils relèvent d’une même ambition de prévoir et d’organiser le futur de manière savante, et cherche à saisir les spécificités et les circulations de ces savoirs et techniques d’anticipation dans différents contextes professionnels et entre différents pays européens. On pourra alors s’interroger sur l’importance de ces pratiques savantes pour la redéfinition de notions comme la responsabilité, la précaution, l’amortissement, etc., qui traversent aussi bien les projets, l’assurance, la bourse, que le changement climatique ou les durées de vie, et plus généralement leur incidence en termes sociaux et politiques. Les savoirs et les techniques d’anticipations apparaissent en particulier comme des outils de la confiance et du contrôle pour tenter d’éviter l’escroquerie, l’arbitraire ou la catastrophe.

Le projet est structuré selon deux logiques : une logique de recherche collective et transversale sur les savoirs et les techniques d’anticipation, et une logique de travaux monographiques concernant les 18e et 19e siècles, autour des projets (la formalisation des projets dans les Travaux Publics, les souscriptions techniques, les normes techniques de sécurité), autour des assurances (les techniques de provision, l’assurance des machines à vapeur, le risque-grêle, la certification), autour de la bourse (l’anticipation des crises financières, la socio-technique communicationnelle de la bourse), autour de l’anticipation du changement climatique, autour de la prospection minière, et enfin autour des notions de durée de vie (mortalité, usure, amortissement, fatigue, etc.)

Le projet « Profutur » est financé par l’Agence Nationale de la Recherche dans le cadre du programme Sciences, Techniques et Sociétés (2010-2012).

Il est hébergé en partenariat par le Centre de recherches historiques (EHESS-CNRS, Paris) et par l’Institut d’histoire moderne et contemporaine (ENS-CNRS, Paris).